Si vous demandez à un moteur de recherche de vous fournir des moyens simples d’améliorer votre santé mentale, « passer du temps dans la nature » figurera en bonne place parmi les nombreux résultats que vous obtiendrez.
Mais qu’en est-il lorsque le fait de passer du temps dans la nature constitue un problème en soi ? Nombre d’entre nous ont peur de l’obscurité, de se perdre ou d’être pris au dépourvu. Être dans la nature (même lors d’une promenade dans les bois près de chez soi) peut amplifier ces peurs et provoquer du stress.
Claire Eastham, qui souffre d’anxiété, explore la panique liée au fait de se retrouver dans un environnement peu familier, même si, rationnellement, elle sait qu’elle est en sécurité. Découvrez sa stratégie d’adaptation en quatre étapes pour surmonter l’anxiété face à une telle situation.
« Je n’aime pas ça. Il faut que je sorte d’ici ! Un requin pourrait m’attraper et je n’aurais aucun moyen de m’échapper. Il pourrait m’arracher la jambe ou m’entraîner vers les profondeurs. C’est quoi ça ? Quelque chose a frôlé ma jambe ? Je panique, je n’arrive pas à respirer ! »
Vous pourriez croire que ces pensées m’assaillaient quelque part dans l’océan Indien, sur la côte australienne ou au moins sur une plage en Espagne. En réalité cette panique à propos des requins m’a prise dans la région pittoresque du Lake District, nichée dans la campagne anglaise. C’était au cours d’une séance de nage en eau libre, et je me trouvais à côté de plusieurs autres femmes portant des bonnets de bain de couleurs vives. Je n’ai jamais entendu dire que des grands requins blancs avaient été repérés à Windermere, mais cela ne m’a pas empêchée de partir en vrille au point de frôler la crise de panique.
J’ai peur de l’eau depuis l’âge de dix-neuf ans. Je suis tombée d’un jet ski et j’ai dû nager au-dessus d’une zone sombre pour regagner le bateau. Je suis passée de l’état d’amusement à un sentiment de vulnérabilité et d’exposition. Je savais que la zone sombre n’était qu’une accumulation d’algues et qu’il ne se passerait rien de grave, mais aucun raisonnement rationnel ne pouvait étouffer les « ET SI… » qui se bousculaient dans ma tête. Après plusieurs tentatives infructueuses pour traverser cette zone à la nage, mon père a dû se jeter à l’eau pour m’aider.
Ce schéma s’est répété au fil des années. Je ne me baigne dans la mer que jusqu’à la taille (je pense bêtement que je parviendrais à aller plus vite qu’un requin). Je ne monte pas sur les pédalos, même s’ils ont l’air « amusants », et je n’aime même pas être seule dans une piscine ! La thalassophobie est le nom savant pour désigner une peur panique des vastes étendues d’eau. Bien que je ne souffre pas de cette phobie, je me sens vraiment anxieuse à l’idée de me trouver en eau libre.
Après deux ans d’enfermement avec le confinement, le retour à la nature a fait l’objet de nombreuses publications sur les réseaux sociaux. Des groupes de personnes nageaient dans des lacs, se promenaient en forêt, faisaient de l’escalade et du camping. Bien qu’habitée d’une essence spirituelle, certaines personnes (dont moi-même) peuvent avoir les nerfs à fleur de peau lorsqu’il s’agit de Mère Nature. Après tout, elle peut être imprévisible.
Même si des films comme « Les dents de la mer » ou « Instinct de survie » n’aident pas, mon inconfort en eau libre peut être attribué à une chose : la peur de l’inconnu. Tout comme l’obscurité, je n’aime pas les étendues d’eau libre à cause de l’élément « caché » et « mystérieux ». Martin Antony, professeur de psychologie à l’Université métropolitaine de Toronto (au Canada) et auteur de l’ouvrage intitulé « The Anti-Anxiety Program » (manuel de stratégies et techniques pour surmonter l'inquiétude, la panique et les phobies), affirme que nous voyons la plupart des choses qui nous mettent mal à l’aise comme imprévisibles et hors de notre contrôle. En tant qu’êtres humains, nous n’aimons pas être pris au dépourvu.
Mon amie m’a récemment avoué qu’elle n’aimait pas promener ses chiens lorsqu’elle séjournait chez sa compagne. Elle trouve les bois près de chez elle intimidants.
Elle a raison ! Les arbres sont si denses que je ne vois pas ce qui m’entoure. J’ai l’impression qu’un ours ou un tueur en série pourrait surgir des bois sans crier gare.
Dans une certaine mesure, ce raisonnement est le fruit de l’évolution. De nombreux schémas de pensée de l’être humain d’aujourd’hui sont la trace de comportements innés liés à l’instinct de survie ; notre cerveau évalue constamment notre environnement pour nous aider à anticiper et à éviter les menaces potentielles.
Nicholas Carleton, professeur de psychologie à l’Université de Regina, au Canada, confirme cette théorie. Traiter les inconnus comme des menaces potentielles constituait une faculté d’adaptation, tant que l’anxiété qui y était associée ne nuisait pas aux activités vitales, telles que la recherche de nourriture et d’un abri, ou encore le choix d’un partenaire. En résumé, si nous ne parvenons pas à un sentiment de sécurité dans notre environnement, ce manque de contrôle peut provoquer de l’anxiété.
À moins que vous n’exerciez une activité professionnelle en lien avec la nature, il est peu probable que cette « peur de la nature » devienne une préoccupation quotidienne. Cela dit, vous pouvez malgré tout prendre des mesures pour vous sentir plus à l’aise dans la nature.
Repensez aux expériences passées qui vous ont fait paniquer, même si vous vous sentez nerveux ou gêné. Examinez plus en profondeur et cherchez à comprendre ce qui vous a mis mal à l’aise.
J’ai fini par réaliser que ma peur de la randonnée en forêt ou de la baignade en eau libre était liée au fait que quelque chose pouvait toucher ou attraper mes jambes. Vous voyez que la peur de l’inconnu me poussait à présumer le pire de ce qui pouvait m’entourer !
Une fois cette peur isolée, j’ai été en mesure de travailler sur moi pour me sentir plus en sécurité. J’ai même demandé à des amis de me toucher par surprise pendant nos promenades afin de m’habituer.
Tous les soucis de santé mentale sont recevables. Quel que soit votre âge, vous n’avez pas à avoir honte de ce qui vous angoisse.
Vous avez cinquante ans et vous détestez l’obscurité ? Assumez-le ! Dites aux autres ce que vous ressentez afin qu’ils puissent vous aider. Par exemple, vous pouvez dormir avec une lampe allumée la nuit tandis que votre conjoint(e) porte un masque de sommeil. Ou bien, si vous faites du camping, assurez-vous que votre tente est équipée d’une veilleuse à piles.
L’idée est de vous exposer à des situations anxiogènes en procédant par étapes. Lorsque nous avons peur de quelque chose, qu’il s’agisse d’un élément connu ou inconnu, nous mettons tout en œuvre pour éviter ce qui pourrait déclencher la panique, ce qui ne fait qu’aggraver la peur. Vous exposer peut vous aider à rompre ces schémas d’évitement.
Par exemple, si vous mourrez d’envie d’aller nager en milieu naturel mais que les étendues d’eau libre vous terrifient, ne vous forcez pas à ravaler votre peur et à vous jeter dans le lac le plus proche !
Commencez par nager dans une piscine extérieure ou par marcher pieds-nus dans l’eau peu profonde tout en regardant vos amis nager. Lorsque vous vous sentirez plus à l’aise, passez à la vitesse supérieure. Essayez de vous assoir dans l’eau plutôt que de rester debout, et ainsi de suite.
Concentrez-vous sur les choses que vous pouvez contrôler lorsque vous êtes dans la nature. Par exemple, si, comme mon amie, vous devez promener vos chiens dans une zone boisée, assurez-vous que quelqu’un d’autre sait où vous vous trouvez (ou, mieux encore, demandez-lui de vous accompagner). De même, si le silence vous effraie et que vous avez du réseau, pourquoi ne pas appeler quelqu’un et discuter pendant que vous vous promenez ?
Si l’on vous a proposé de faire une randonnée, fixez une heure de départ et d’arrivée et assurez-vous de connaître l’itinéraire à l’avance. N’oubliez pas de porter des chaussures confortables, expliquez aux marcheurs les plus rapides que vous préférez que tout le monde reste groupé et prévoyez une récompense qui vous attendra à la fin du parcours.
Mère Nature est une force puissante que l’homme ne peut pas toujours contrôler, il n’y a pas de honte à se sentir dépassée par elle. Veillez simplement à ce que cela ne vous empêche pas de vous amuser et de profiter de la vie.
COB-FR-NP-00135 – Avril 2025