La peur des poussées ou des crises liées à la maladie chronique peut affecter vos activités quotidiennes et votre qualité de vie. Laura McKee partage ses stratégies pour combattre l’anxiété liée à la migraine, avec notamment 3 étapes pour préparer un Plan de gestion de crise.
En tant que personne souffrant de plusieurs maladies chroniques, notamment la migraine, je sais à quel point il est facile de sombrer dans une spirale négative, convaincue que le moindre changement dans ma routine provoquera une crise. Ces pensées peuvent aller jusqu’à refuser de pratiquer des activités que j'apprécie ou même craindre de « me porter la poisse » lorsque j’enchaîne plusieurs jours avec une douleur moindre.
Je crains que même une modification infime de mes habitudes alimentaires, de mon traitement, de ma routine d’exercices physiques, de mon rythme de sommeil, voire des activités prévues sur ma « To-Do list » ne déclenche des jours de souffrance.
Une poussée ou une crise est :
« ...une exacerbation d’une maladie chronique. Ces deux termes médicaux, sont souvent utilisés de manière interchangeable pour désigner des périodes pendant lesquelles les symptômes d’une maladie, présente depuis un certain temps, s’aggravent soudainement. »
Définition d’une poussée ou crise, Charles Patrick Davis, MD, PhD (Docteur en Médecine (MD) et Doctorat (PhD))
Cependant, il peut y avoir une légère nuance de sens entre ces deux termes. Une "crise" peut parfois impliquer un événement plus soudain et intense, tandis qu'une "poussée" suggère un processus plus graduel.
Dans le cas de la migraine, lorsque les symptômes s’aggravent pendant plusieurs jours ou semaines, on peut dire qu’une personne présente une crise. Par exemple, mes symptômes de migraine peuvent évoluer de ce que je considère comme une douleur et des nausées de faible intensité « habituelle » à des douleurs vives, des vertiges et une hypersensibilité pendant une période prolongée (plusieurs jours).
Les poussées ou crises affectent encore plus notre fonctionnement que les symptômes quotidiens avec lesquels nous jonglons 24h/24 7j/7. Les symptômes d’une maladie chronique modifient notre rapport au monde.
Dans mon cas, mes maladies s'accompagnent d'une peur constante d’aggravation de mes symptômes.
J’ai passé la majorité des neuf dernières années dans mon lit. Je cumule plusieurs pathologies complexes, notamment la migraine, comme je l’ai dit précédemment, et une maladie rare du cerveau : l’hypertension intracrânienne idiopathique (HTICI). Mon corps est constamment sous pression, en proie à de vives douleurs que je gère à l’aide d’antidouleurs et de médicaments préventifs qui m'ont été prescrits.
Au fil des années, j’ai suivi un traitement qui a atténué une partie de mes symptômes et m’a permis de reconstruire certains aspects de ma vie. Je peux à présent voir mes amis et ma famille et sortir les jours où je n'éprouve qu'une faible douleur. Mais la menace d’une crise est bien là, planant au-dessus de moi quoi que je fasse.
Ainsi, prendre un café avec une amie pourrait réellement provoquer une aggravation de mes symptômes et de ma douleur les jours suivants. Je ne sais jamais combien de temps durera une crise. Même les activités les plus courtes peuvent entraîner plusieurs jours au lit.
Je sais que je ferai une crise dès que je m'éloigne trop de ma routine, par exemple, si je pars rendre visite à ma famille ou si, pour une fois, nous sortons un soir avec mon mari. Cela signifie que je dois souvent choisir ce que je vais faire et ce que je dois laisser passer.
Cependant, ces 12 derniers mois, j’ai eu des périodes avec des jours de faible douleur qui se sont enchaînés plus fréquemment. Ce répit a été l’occasion de commencer des séances régulières de natation, avec le soutien d’un aidant. Nager m’a aidée à amorcer un cycle de changement, ce qui m’a permis de passer davantage de temps hors du lit.
Mais ce répit a un prix, celui d’une terrible angoisse de « me porter la poisse ». En me rendant à la piscine, je discute avec mon aidant. Nos conversations sont optimistes mais nous évitons l'un et l'autre d'évoquer l'idée que je me sens bien depuis quelques temps. En effet, une crise est une bombe à retardement qui peut être amorcée par un simple choix de mots.
J’ai constaté que j’avais peur de descendre les escaliers trop souvent car j’avais le sentiment que cela déclenchait de vives douleurs le lendemain. Lorsque la douleur vous accompagne au quotidien, vous avez tendance à adapter tout ce que vous faites en fonction d’elle. La crainte de déclencher une crise est accablante mais prendre chaque repas dans mon lit me fait me sentir terriblement seule.
Alors, cette année, ma résolution du Nouvel An a été de dîner en bas avec ma famille la majorité des soirs. J’ai troqué mon lit contre le canapé en priant pour que cela ne provoque pas d’aggravation de mes symptômes.
Pour franchir ce pas, je me suis interrogée : « Quel est le pire qui puisse t’arriver si tu descends ? »
Le pire qui puisse m’arriver est d’augmenter mon risque de tomber et de subir une longue crise. Mais, récemment, je me suis prouvé quelque chose à moi-même : si je peux nager plusieurs fois par semaine sans que ces choses ne se produisent, je peux parfaitement dîner avec ma famille tous les soirs.
Nous pouvons facilement nous laisser envahir par toutes nos inquiétudes mais il faut au contraire y faire face et surmonter le cycle de peur. Comment ? Nous devons défier notre petite voix intérieure en nous demandant : « Et alors ? »
De même, nous ne devons plus nous priver de certaines choses « juste au cas où ». Nous devons nous efforcer de dépasser la crainte de ce qui pourrait arriver.
Mes cycles d’anxiété commencent lorsque de petits changements provoquent chez moi des conséquences indésirables, telles qu’une migraine ou une poussée de HTICI. Je n’aime pas les crises et les poussées, alors j’évite le moindre changement, quitte à me priver au passage.
Mais plus nous refusons les changements, plus nous cédons à la peur. Et elle ne fait alors que s’intensifier.
Le « cycle d’anxiété » est plus connu sous le nom de réponse « combat-fuite » ou réponse au stress. Lorsque nous ne sommes pas piégés dans un cycle de peur, nous sommes calmes. Mais dans l’adversité, nous avons tendance à dramatiser, ce qui déclenche de façon inutile des sensations de danger imminent.
Comprendre ce phénomène m’a permis au fil du temps de rompre mes cycles d’anxiété. En défiant mes pensées surprotectrices instinctives, j’ai « rééduqué » mon cerveau. L’anxiété n’a pas à prendre le dessus.
J’ai dû accepter que le pire pouvait arriver, c’est-à-dire d’éventuelles crises ou poussées. Malheureusement, j’ai bien fait une mauvaise chute qui m’a empêchée de descendre tous les soirs pendant quelques temps, car elle a déclenché une crise. Mais au lieu de me résigner comme d’habitude, j’ai écouté mon corps et j’ai suivi mon Plan de gestion de crise pour prendre soin de moi. J’ai tout de même réussi à descendre les escaliers quelques fois, c’était la première fois que je ne laissais pas une crise m’immobiliser totalement.
Surmonter les crises ou poussées, c’est un défi auquel de nombreuses personnes souffrant d’une maladie chronique sont confrontées. Pour y parvenir, je vous recommande de préparer un « Plan de gestion de crise ».
Les crises ou poussées peuvent être particulièrement imprévisibles et se produire sans déclencheur apparent. Selon certains médecins spécialistes, chercher une raison à chacune d’entre-elles peut augmenter l’anxiété par anticipation et aggraver la douleur.
Cependant, l’identification de schémas récurrents peut aussi nous permettre de savoir si une aggravation des symptômes est imminente. Il est donc judicieux de tenir un journal des symptômes pour vous aider à repérer tout schéma éventuel, sans trop s’interroger sur le possible déclencheur.
Ces informations m’ont permis de préparer un Plan de gestion de crise pour m’aider à mieux gérer l’aggravation de mes symptômes. Mon plan dresse la liste d’éventuels symptômes d’alerte tels que :
Puis, je note tout ce que je pourrai faire pour réduire au minimum l’impact de la crise, par exemple :
Enfin, j’ai tout une liste de petits rappels pour préserver ma santé mentale lors d’une crise, tels que :
Cela fait quatre mois que je suis ce plan et je suis descendue diner avec ma famille presque tous les soirs. Cela n’a pas affecté l’intensité de ma douleur autant que je le pensais. C’était difficile parfois, mais cela ne m’a pas arrêté complètement de vivre comme c’était le cas auparavant.
Je n’avais pas imaginé l’impact que le simple fait de descendre pouvait avoir sur ma famille. J’ai davantage d’échanges avec mes fils et mon mari et ce dernier m’a dit qu’il se sentait moins seul depuis que je les rejoignais en bas.
Je souffre encore tous les jours mais cela ne semble pas aggraver mes symptômes comme je l’ai craint pendant si longtemps. Cela peut paraître bien peu, mais c'est un changement considérable pour ma famille et moi. J’ai hâte de voir comment je peux continuer à apprivoiser la peur liée à ma maladie chronique tout en gérant mes crises.
Vivre avec une maladie chronique est frustrant et imprévisible. La crainte des crises ou poussées et de leur durée prend beaucoup de place dans notre cerveau, de sorte que nous passons la plupart de notre temps à nous inquiéter de l’aggravation de nos symptômes. Cette anxiété peut nous amener à éviter les choses qui nous effraient, nous offrant un répit de courte durée. Mais, au fil du temps, un état d’anxiété et d’évitement se développe.
Nous pouvons rompre ce cycle négatif en faisant face à nos peurs. Nous sommes ainsi en mesure de défier notre petite voix intérieure et ce besoin d’éviter tout ce qui, selon nous, risque de déclencher une crise ou une poussée. Au lieu de dramatiser, nous pouvons ramener notre esprit à la réalité en nous demandant : « Quel est le pire qui puisse arriver ? » Tenir un « journal d’anxiété » peut vous permettre de découvrir ce qui vous fait peur et devenir un outil très pratique lors d’une crise ou poussée de maladie chronique.
Disposer d’un plan clair à suivre lorsque j’ai une crise, signifie que je fais ce que mon corps me dit de faire. Mon esprit peut déclencher 100 sonnettes d’alarme, mais je ne réagis plus aux signaux de combat ou de fuite aussi facilement.
Faire face à mes peurs a eu un effet extrêmement positif sur ma vie. Je suis maintenant capable de descendre presque tous les soirs, ce qui a amélioré ma santé mentale bien plus que je ne l’espérais. L’impact sur ma famille et notre communication valait largement la peine de repousser mes limites après tant d’années à craindre les crises.
COB-FR-NP-00139 – Juillet 2025